# 88th Fountain Avenue # Ombre et lumière [PV Matt]

Qui n’écoutait pas qui dans ce dialogue de sourd ? Comment peut on croire que lorsqu’on est au plus haut de la hiérarchie, on puisse retomber ? C’était impossible et il fallait être stupide pour penser quelque chose dans ce genre. Peut être cela a-t-il effleuré l’esprit de Matt mais cette idée était repartie à peine arrivée. Et encore … Quand on est un simple ange ou banal démon, la tentation est grande de passer d’un camp à l’autre sans trop savoir pourquoi. Encore jeunes et donc, on se cherche, se disant que finalement l’autre côté est mieux ou alors on fait des erreurs et on regrette. Mais quand on est devenus un Bras d’une des grandes puissances de l’univers, sa voie est tracée. On est bon ou mauvais, on ne se cherche plus, cela fait des années que l’on sait le pourquoi de sa montée en grade, pourquoi c’est soi et pas son voisin. Darren aimait faire le mal et quand il voyait des gens heureux, cela le rendait faible. C’était l’inverse pour Matthew qui ne pouvait pas se convaincre que le mal servait sur cette Terre et quand il voyait trop grande souffrance, cela le révoltait. On vit selon sa nature, selon qui on est, comment on a été élevé. Quoique l’on peut déraper, le jeune Roller en était un exemple des plus flagrants. Mais à son discours puéril, idéalisant le Mal comme moyen suprême de contrôler l’humanité, le blond ne répondait que par le silence, un air figé sur son visage et ses grands yeux bleus qui soutenaient ceux de son frère pour lui prouver que cela ne l’effrayait pas. Lui non plus n’avait plus grand-chose à perdre. Il avait perdu sa vie, la femme qu’il aimait, son frère, ses amis, ses idéaux. Il ne lui restait que sa mission et sa fille qu’il ne pouvait pas approcher et qu’il ne verrait sans doute jamais. Les deux se retrouvaient dans la même situation, si Darren se voilait la face, Matt en était parfaitement conscient. C’était cela qui l’empêchait de fléchir, de se laisser aller et de donner la victoire à un homme qui ne le méritait pas. Alors non, rester debout était la seule chose à faire, se battre pour ses convictions. Houston lui avait toujours dit que ce qui ne tuait pas rendait toujours plus fort. Le Bras Droit ne pouvait pas mourir, alors chaque mission lui avait un peu plus ouvert les yeux sans pour autant faire une analyse de fond. La preuve, tous ces cadenas, tant de secrets fermés qui s’ouvraient et qui faisaient mal, faisaient ressortir les vieilles douleurs mortelles. Mais pourtant, il était toujours là, sur ses jambes, comme une forteresse qu’on n’arrivait pas à prendre. Une réticence ? La seule qu’il puisse avoir, c’est de savoir que si les souvenirs avançaient, on n’était plus loin de sa mort. La revivre lui faisait peur, oui bien sûr, mais ce n’était certainement pas le monstre qui était face à lui. Il ne l’écoutait plus, le venin de la haine était craché dans chaque mot, chaque syllabe prononcée.

La voix de l’ombre le fit revenir ici. Les choix … Bien sûr, les souvenirs étaient sélectionnés, il y en avait tellement que finalement, l’inconscient faisait son choix. Les choix étaient faits, tout simplement. D’ailleurs le choix de ce souvenir voulait montrer que tout n’était pas rose chez les Roller mais tout n’était pas noir. Souvent, c’était gris, empreint à une atmosphère pesante, on se demandait sur qui compter, qui était là pour soi … Voir son petit frère ressentir un semblant de la solitude que lui-même avait vécu les huit premières années de sa vie, c’était douloureux. Pendant ce souvenir, Matt avait inconsciemment porté la main à son cœur, légèrement blessé. La solitude … C’était peut être pire que les coups car ça rongeait intérieurement, se chercher à quoi se raccrocher mais la tristesse n’aidant pas, on ne trouvait rien, on se sentait abandonné du monde dans lequel on était né par dépit, se disant que le monde était mieux sans sa propre personne, personne ne le regretterait et finalement ne rien faire, continuer de vivre avec car pas assez de courage pour se donner la mort tout en ayant pas la force de se donner la vie …

Le retour à la réalité se fit doucement pour le jeune homme. Ses yeux s’étaient levés au ciel et il réfléchissait. Non pas à ce qu’il avait manqué mais là où il avait été présent. Et quand Darren ouvrit la bouche, il se décida lui aussi à rompre son silence.

Qui es tu pour juger ce que je faisais ou ce que je ne faisais pas ? J’étais là quand je pouvais, je n’étais qu’un être humain. Non, je ne pouvais pas me dédoubler, non je ne pouvais pas t’emmener partout où je pouvais aller, non je ne pouvais pas te surveiller nuit et jour, non je ne pouvais pas t’offrir une enfance comme celles des autres enfants qui avaient deux parents pour les élever et un peu d’amour. Je n’étais que ton frère, j’avais 8 ans quand tu es né, 11 quand le véritable cauchemar a commencé, 22 quand tout s’est terminé pour moi. Tu te sentais seul ? Mais tu m’avais. Tu savais que tu pouvais faire toutes les bêtises du monde, j’aurais pu essayer de les régler et jamais je n’aurais levé la main sur toi, j’ai toujours essayé de te comprendre, de faire tout ce que je pouvais pour que tu grandisses bien. Mais moi, tu t’es soucié si moi je ne me sentais pas seul ? Si je n’avais pas de doutes ? Durant des années, je tournais en rond, je passais des nuits entières à la fenêtre que le temps passe … Si je n’avais pas eu Erin, je ne sais pas si j’aurais eu la force de tenir avec autant de vigueur. Ne me dis pas que tu as été un enfant seul, tu n’as jamais été seul. C’est du mensonge car tu as toujours été ma priorité absolue !

C’était dit, finalement parler avec son cœur faisait toujours du bien. En fait, on avait toujours peur de le dire mais en fait ce n’était pas si difficile, on fait toujours des montagnes d’un rien. La forme de son frère se tourna vers lui et lui parla. Il le savait, l’aîné allait mourir une deuxième fois. Mais cette fois, il savait l’issue, il connaissait les douleurs, chaque souffrance, que chaque souffle … Comme l’autre disait, il serait le seul debout à la fin de cette rencontre. S’accrochant à cet espoir, il vit la main s’approcher mais juste avant, il fit un geste de la main pour l’arrêter.

Attends ! Il releva les yeux vers Darren. Profite du spectacle et sois étonné de ce qui arrivera.

Puis ce qui se passa en lui fut indescriptible quand l’enfant toucha le cœur du Bras Droit. Un bien-être tout d’abord puis une douleur inqualifiable. Elle n’était pas physique mais l’impression qu’elle donnait c’était que des centaines de verrous claquaient tour à tour, faisant un bruit sourd qui résonnait dans sa tête. Son visage se crispa, ses mâchoires surtout. Ses yeux se fermèrent et sa respiration se coupa quelques longues secondes. C’était tellement enfoui que c’était presque jeté dans les abysses du passé, presque introuvable tellement ce souvenir était emprisonné. Mais quand le dernier verrou sauta, l’appartement se mit de nouveau à trembler. Le début d’une fin …

**début du flash-back**
Matt arrivait en courant chez lui. Il faisait noir et il avait fait le mur alors qu’il était sensé se coucher. Mais Erin lui avait assuré que c’était urgent, qu’il fallait qu’ils se voient ce soir. Il avait fermé la porte de la chambre à clé, fait promettre à Darren de ne pas bouger de la chambre et était passé par la fenêtre, passant par la gouttière et puis les escaliers à moitié rouillé. Et là, le voila entrain de courir pour rentrer, son cœur battant à cent à l’heure mais si léger et ce sourire, rares étaient les fois où un tel bonheur se lisait sur son visage. Remontant jusqu’au niveau de la fenêtre, le jeune homme s’introduisit dans sa chambre où son petit frère ne dormait toujours pas. Tant mieux, Matt avait une nouvelle à lui annoncer. S’asseyant sur son lit, il le prit dans ses bras quelques instants avant de se dégager et de parler sans que le sourire ne s’efface.

C’est bientôt fini, j’attends ma prochaine paie qui arrive après demain et on s’en va tous les quatre.

Son petit frère le regarda, interloqué. Il fit un rapide calcul dans sa tête : il n’y avait qu’Erin, Matt et lui qui devaient s’enfuir. Pourquoi s’encombrer d’une quatrième personne qui ne ferait que les ralentir un peu plus.

Quatre ? Mais …

Je vais être papa, Darren. Erin est enceinte.

Ses grands yeux bleus pétillaient même dans le noir. Il était tellement heureux, la fin du cauchemar montrait enfin des signes de bonheur. La fin de l’enfer pour le début du paradis ? Même s’il fallait prendre cela au sens figuré, le sens propre allait primer. Ce soir là, il dormit bien, sans peur qu’on vienne le déranger ou alors d’un quelconque malheur …

Si la journée fut sans grand intérêt à part que le lendemain serait la libération totale. Matt passa aussi voir Erin quelques minutes après avoir fait la fermeture du magasin … Elle n’était enceinte que d’à peine deux mois mais déjà ils imaginaient des prénoms. Rose pour une fille, c’était ce qu’on retiendra de cette conversation. Puis il rentra chez lui, toujours ce sourire sur les lèvres, ne pensant qu’à demain, à cette fin. Mais malheureusement la réalité revenait toujours au mauvais moment. Quand le jeune homme ouvrit la porte, il vit son petit frère étendu sur le sol, visiblement gravement blessé et Lance au dessus de lui, continuant à porter des coups à l’adolescent inanimé. Sans vraiment réfléchir, la violence reprit le dessus et ce fut à son tour de frapper Lance pour le détourner de l’attention de Darren inconscient. Tâtonnant de la main sur la table basse, Matt prit une bouteille au hasard et frappa l’homme qui s’écroula. Vite, il porta son frère dans sa chambre pour panser les blessures et il l’emmènerait sûrement à l’hôpital si cela s’avérait grave. Sur le lit, le blond commença les soins en parlant tout bas.

Ca va aller Darren, me laisses pas maintenant, on s’en va demain, tu peux pas me faire un coup maintenant …

Tout bas, il continuait inlassablement de parler pour que son frère l’entende, qu’il sache qu’il était à ses côtés. Puis d’un coup, deux bruits sourds se firent entendre tour à tour. Le premier fut celui d’une bouteille qui se brisa sur la tête de Matt, le second fut ce dernier qui tomba sur le sol.

Trou noir. Un vide pendant un temps qu’il ne compta pas. Le jeune homme se réveilla dans un endroit humide qu’il devina être la cave. Ses membres étaient liés et un mal de tête atroce le prit. Tentant de se démener, Matt tira sur les cordes et tenta d’appeler à l’aide.

A L’AIDE ! AIDEZ MOI ! DARREN !!!

Mais comme toujours dans ce genre de situation, il n’y avait personne pour le sauver. Alors, après avoir hurlé et s’être épuisé en vain, il attendit que quelqu’un vienne. Quand la porte s’ouvrit, l’espoir d’un instant se lut dans son regard mais quand la silhouette de Lance fit son apparition, tout disparut. Ce dernier titubait en descendant les marches, avait ce regard sadique et s’approcha de lui avant de le saisir par les cheveux et lui faire lever la tête.

Alors comme ça, tu avais comme projet de partir, me laisser seul ? Tu es né dans ce merdier, tu y crèveras. Jamais, tu ne partiras d’ici.

Puis quelque chose d’étincelant se montra dans la main de l’homme qui s’enfonça dans le ventre de Matthew. Un couteau. Une violente douleur lui prit dans cette région, son souffle fut coupé mais pas une larme, pas un cri ne sortit. Ne pas lui donner le plaisir de voir son aîné souffrir, ni de pleurer.

Voila ce qui en coûte de tenter de me désobéir.

Un coup de poing en pleine se fit sentir. Puis le temps s’écoula autant que son sang. Lance était parti et la solitude avait envahi toute la pièce. Il n’avait plus la force de hurler ou de faire quoique ce soit. A peine de quoi espérer qu’on le sauve, ou qu’au moins on le retrouve. La nuit passa tandis que lui tentait de survivre. Quand la porte s’ouvrit à nouveau et qu’il vit son frère, un faible sourire vint sur ses lèvres. Mais il était trop tard, trop faible. C’était la fin, il le sentait. Darren s’approcha et tenta de défaire les liens mais Matt se blottit contre lui. Le frère s’arrêta un instant et l’entoura de ses bras. Et là, le jeune homme laissa quelques larmes couler tandis qu’un filet de sang s’échappait de sa bouche.

Pardonne moi … j’ai pas tenu ma promesse … pardonne … moi.

Ses derniers mots. Il n’avait pas pu vivre plus longtemps. Mais il avait attendu que quelqu’un soit là. Il n’était pas mort seul …
**fin du flash-back**

On aurait pu s’attendre à ce que Matt soit dans un état pitoyable après ce souvenir, faible et totalement anéanti. Mais quelle surprise ! Il était certes à genoux, du sang coulait de sa bouche mais ses yeux bleus étaient toujours déterminés. Une main à l’endroit de la blessure qui se refermait petit à petit. Sur le visage de Darren, on pouvait lire la stupéfaction.

Surpris de me voir encore là ? J’espère bien que tu t’es délecté de ma mort car cela n’arrivera plus jamais. En tout cas, quoique tu dises, qui que tu sois devenu après, tu as été ce petit frère qui a accompagné son frère dans sa mort. Je ne suis pas mort seul, contrairement à toi sûrement.

Il y eut un petit silence entre les deux durant de longues secondes avant qu’il reprenne.

Alors, suis-je aussi stupide et aussi faible que tu le pensais ?

Comment pouvait-il être encore en mesure de parler ? Darren resta stupéfait. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Normalement Matthew aurait du se retrouver par terre baignant dans son propre sang. C’était un spectacle dont il voulait se délecter mais il fut déçu. La forme se tenait tout près de son frère mais cette fois, la brume avait changé de couleur. Elle était passée d’un blanc laiteux à un gris clair. Le Bras Gauche la regarda puis il dévisagea Matt. C’est alors qu’il comprit qu’entre cette chose et son frère, il y avait toujours eu une entente. L’un à l’autre, ils s’étaient juré de ne pas se faire de mal, ou en tout cas de limiter les dégâts. Le Démon aurait pu hurler de fureur tellement sa rage était grande mais de toute façon, les jeux étaient faits. Ses yeux se faisaient de plus en plus durs à mesure que son frère parlait et qu’il restait au sol. Le ton visiblement agacé par ce qui c’était produit, il répondit à Matt :

- Je m’en suis délecté, de cette étape… bien que je l’ai déjà vécue… j’ai l’impression que cette chose veut tout simplement te protéger… comme si elle avait peur que tu te détruises toi-même. C’est touchant… mais faible… Tu parlais de mourir seul, Matt ? Et bien oui, je suis mort dans la solitude, j’ai vécu les trois quarts de ma vie dans la solitude… Et dans mon immortalité, je suis seul… Tu comprends, dans ma vie il n’y a toujours que MOI… C’est un peu comme si le reste ne m’intéressait plus. Quand tu es mort, le jeune Darren a cherché du réconfort… dans ses souvenirs… mais il n’a trouvé que de la culpabilité. Alors, oui, tu es faible car cette chose te protège alors qu’au final, tu ne le mérites pas. Quant à ta stupidité, elle n’est plus à prouver… Pensais-tu une seule seconde que Lance allait te laisser t’en sortir aussi facilement ? Ta bonté t’aveugle… sache que dans ce monde, il faut toujours avoir un œil sur ses arrières, et encore plus sur ses avants. Même avec du recul, je me demande comment tu as pu penser une seule seconde que tu allais vivre heureux ? Chaque fois que tu as essayé, tu as lamentablement échoué… Est-ce dans la nature des anges d’être si emplis d’espoir ? Tu as été faible en laissant la vie sauve à Lance… et ce soir tu es toujours aussi faible.

La forme se déplaça lentement et se plaça à égale distance de l’un et de l’autre. Sa teinte était passée au gris foncé. Darren ne la quitta pas des yeux. Il savait que bientôt le lien allait être rompu. D’ailleurs, il se demanda pourquoi ce n’était pas déjà le cas. L’éclat de la brume se ternit et Darren reprit, avec un sourire mauvais aux lèvres :

- Je n’arriverais jamais à éprouver ce que toi tu ressens. Et c’est tant mieux, à quoi bon s’embarrasser d’émotions anecdotiques pour tuer un innocent ? Ou pour jeter une âme dans les abysses de Satan ? Je vais te révéler un secret Matthew… J’espère que nos deux patrons l’entendront… tu peux me croire, je suis certain qu’ils suivent notre petite parlotte autour d’un cocktail, à se rappeler quand eux-mêmes faisaient ce que nous sommes en trains de faire. Je regrette une seule chose aujourd’hui, c’est d’avoir pu un jour douter de tuer… car, ton frère n’a pas tué ton père ! Enfin, littéralement parlant. Au fond, je m’en contrefiche d’accomplir ma mission… Tant que Satan peut se satisfaire de ma puissance et de mon égo… au final mon but est resté le même. J’ai détruit ta vie, celle de Lance je l’ai achevée comme tant d’autres et enfin je vais détruire insidieusement celle de ta fille. Comme ces deux salauds ont pourri la mienne… à quoi bon s’embarrasser de sentiments ou de culpabilité, une seule chose compte, la vengeance… Démons ou anges, qu’importe, je souhaite plus que tout les écraser… Je suis déterminé et tu ne peux pas t’imaginer à quel point quelqu’un de déterminé peut aller… Chaque goutte de mon sang que j’ai versé a un coût… Je prendrais autant d’âmes que possible, je ferais verser autant de larmes, en quantité double ! Ne crois pas que je sois fou, je vais simplement accomplir ce dont toi tu rêves, une vengeance mais contrairement à toi ma haine n’est plus focalisé sur ton père… Elle vise désormais les vrais commanditaires, ceux qui depuis le début avait décidé de se partager la poire en deux. Toi, le morveux, montre lui ta faiblesse ! Allez, hâte-toi, qu’on en finisse…

Le jeune garçon leva tristement les yeux vers Matt et son éclat s’assombrit un peu plus. Il attirait à lui tous les sentiments qu’il avait fait rejaillir. Les souvenirs… mais cette fois-ci, ils ne pouvaient plus être verrouillés car les portes étaient défoncées. La brume d’un noir un peu clair diffusait une lueur inquiétante. La voix d’enfant résonna dans la pièce :

- Je suis le pont qui vos rattache encore l’un à l’autre… mais avec le temps qui passe, je vais me détruire… L’essentiel a été dit…

Dans la tête de Matt, elle continua comme un écho :

- Maintenant, tu sais… arrêtes-le… je t’en prie… arrêtes-moi… adieu !

La brume devint si sombre que les murs disparurent. Puis chaque frère devint une ombre et enfin, tout fut noir…

*Début du flashback*
- Petit imbécile ! Je vais te vais goûter de mon poing ! Tu crois pouvoir rentrer quand tu veux ?

Darren évita de justesse une bouteille pleine qui se brisa contre le mur répandant son contenu en l’éclaboussant et en diffusant son odeur pestilentielle de whisky. Il sentait sa colère monter et pour une fois, il ne mit pas les mains devant son visage pour se protéger, il regarda son père avec un regard de défi :

- De toute façon, bientôt ce sera le cas ! C’est fini, Matt m’a dit que nous allions vivre ailleurs, loin de toi !

- Et… tu l’as cru ??? Tu n’es vraiment qu’un abruti… comme ta traînée de mère… Elle aussi aurait bien aimé s’enfuir… mais toi… tu l’en as empêché… Elle est morte… par ta faute ! Raclure !

Darren ne bougea pas lorsqu’il s’approcha, il ne voulait plus fuir. Il en avait assez de cette vie misérable à laquelle son frère allait mettre fin. Ce serait une renaissance, il en avait parlé à ses gros bras… Et toute l’après midi, ils avaient fêté ça d’une façon un peu hors norme, en dévalisant les passants, en tabassant des petits bigleux à lunettes, en volant quelques bonbons… Il savait que c’était mal, mais ces derniers temps, il éprouvait un certain plaisir à voir les autres souffrir un peu… La vie ne lui avait pas fait de cadeau jusqu’à maintenant. Alors il estimait juste de ne pas à faire aux autres. Mais aujourd’hui, il avait été plus calme que d’habitude, il n’avait frappé pratiquement personne, il se contentait juste de manger ses réglisses qu’il avait piqué au confiseur. Les paroles de son père le firent soudain douter… Matt était-il déjà parti ?

- Tu oses me défier du regard ? Prends-ça !

D’un revers de la main, il lui asséna une claque qui le fit saigner de la bouche. Mais Darren restait toujours droit, ses yeux bleus plongés dans ceux de son père. Il espérait tant pouvoir éviter l’inévitable…

- Baisse les yeux !

Voyant que son fils n’en faisait rien, il lui donna avec une force que l’alcool et la colère avaient quintuplée, un grand coup de pied dans le ventre. Cette fois, il poussa un cri de douleur et tomba assis sur le sol. Il l’avait senti… son os venait de se briser… Des larmes apparurent sur son visage… Mais Lance, dans son élan l’attrapa par le col et le souleva du sol. Ses yeux gonflés le regardèrent avec une totale absence de pitié, d’amour comme à chaque fois qu’il le regardait… Il lui donna une droite en plein visage et Darren à moitié assommé et affolé supplia :

- Non… arrêtes… pardon…

- Je vais te crever… je vais te tuer… j’aurais du le faire depuis longtemps… je te hais !

Et un violent coup dans le ventre fit passer devant les yeux de Darren un voile aux couleurs pourpres… Il gémit et son père le jeta contre le mur. Il tomba évanoui sur le sol. Une petite voix traversa son esprit… elle lui disait : « Bats-toi ! Relève-toi ! TUE-LE !!! ». Mais il entendit déjà des éclats de voix et reconnut malgré son esprit embrouillé la voix de son frère. Il était là, il n’était pas parti. Et puis, un silence sembla succéder à une lutte. Un instant il craint que son frère soit mort mais non, deux bras puissants le portèrent jusqu’à sa chambre. Une chose le troubla… Il n’entendit pas le verrou. Alors pendant que son aîné tentait de le soigner, il voulut crier mais rien en venait… il parvint tout juste à balbutier :

- Ferm… la port…

Deux bruits sourds… Une bouteille… et un corps… Non… ce n’était pas possible… Il voulut ouvrir les yeux mais son esprit se plongea dans le noir total. Il ne rêva pas, il n’entendit rien, un instant il crut même qu’il était mort. Et puis la voix de son frère retentit, étouffé par quelque chose… Darren ouvrit les yeux, tout était trouble autour de lui. Il se redressa, il avait un bleu énorme sur le ventre et c’est à ce moment qu’il se rappela ce qu’il s’était produit. Il jeta un œil à la porte grand ouverte et fit des traces de sang sur le sol. Son cœur se mit à battre violemment… il craignait pour Matt… Il suivit en titubant les traces qui descendait à la cave… Alors qu’il allait ouvrir la porte, son père l’attrapa par les cheveux et plaqua sur sa gorge, une lame froide. Il lui dit avec une haleine répugnante :

- Tu restes où tu es ! Retournes dans ta chambre… ou je te tue toi aussi…

- Non… ne le tue pas… pas maintenant… il va être papa… s’il te plait ne lui fais pas de mal… Tue-moi à sa place…

- La ferme !

Et d’un violent coup de bouteille, il l’assomma à nouveau. Il laissa son fils par terre et descendit. Darren retrouvait un peu ses esprits au fil des minutes mais la porte de la cave se ré-ouvrit. Lance en sortit avec un couteau à la main. Il arborait un sourire satisfait. Darren vit alors un étrange liquide rouge sur la lame. Du sang ! Il comprit aussitôt que son frère avait été blessé. Il voulut se relever pour aller l’aider mais d’un coup de bottes son père l’assomma à nouveau. Il le laissa allongé au sol puis se mit sur le canapé et ouvrit une bouteille de vodka. Le corps du jeune Roller avait subi trop d’épreuves pour se relever de suite. Il resta allongé au sol de longues heures, toute la nuit. Lorsqu’il reprit connaissance, avec un violent mal de crâne, il jeta un œil à son père. Il était allongé, la bouche ouverte, il dormait… enfin si on peut dire ça comme ça. Darren se précipita aussi vite qu’il le put sur le porte. Sa hanche lui faisait très mal. La lumière s’engouffra dans la cave et il descendit lentement. Légèrement illuminée, la pièce laissa apparaitre son père. Son teint était pâle… très pâle… il y avait autour de lui une mare de sang. Darren, la peur au ventre s’approcha… et tenta de défaire les liens. Mais son frère le saisit et ils s’enlacèrent. Des larmes coulaient sur la joue des deux frères.

- Pardonne moi … je n’ai pas tenu ma promesse … pardonne … moi.

Et sur ces derniers mots, Matthew expira. Darren ne comprit pas tout de suite… mais lorsqu’il vit le corps inerte de son aîné entre ses bras, il eut un brusque mouvement de recul… Il le regarda, les bras ballants… Tout venait de s’effondrer… Il sentait le sol se dérober sous ses pieds l’obscurité l’engloutissait… Qu’allait-il devenir ? Pourquoi ? Trop de questions remontèrent et il regarda son frère désespéré.

- Non… NON !

Son corps fut parcouru de sanglots… La seule personne qu’il n’ait jamais aimée, le seul être qui ait veillé sur lui, s’en était allé. Il l’enlaça à nouveau, en pleurant, comme si ça pouvait le ramener à la vie. Tout était de sa faute, il n’aurait jamais du dire à Lance qu’ils allaient partir… jamais… il aurait du se tenir tranquille… et il n’y aurait rien eu… ils seraient toujours réunis et Matthew aurait pu continuer de veiller sur lui. Il resta ainsi de longues minutes, et puis, un coup dans le dos le fit rouler sur le côté. C’était Lance qui tenait son fusil.

- Je t’avais dit de ne rester à ta place mais comme d’habitude tu n’en fais qu’à ta tête !

- Il… il est… mort… tu… tu l’as tué…

Lance regarda son fils aîné avec un sourire et dit :

- Il fait semblant !

Mais lorsqu’il toucha son visage de ses mains et qu’il vit les yeux fixement ouverts de Matt, son expression fut tout autre… Il passa sa main libre sur son visage et des larmes coulèrent sur ses joues. Il dit alors :

- Qu’ai-je fait ??? Non… ce n’était pas lui… qu’il fallait tuer mais l’autre… Lui était bien trop important… il était mon fils… le seul…

Il ne souciait plus de Darren, comme d’habitude en fait mais cette fois, les mots avaient blessé… Ils avaient fait très mal… Dans l’espoir de survivre sans doute, Darren profita que son père ait baissé sa garde pour s’emparer du fusil qu’il pointa sur lui. Il le mit en joue et sa voix brisée rompit ses sanglots :

- Pourquoi ? Il ne t’avait jamais déçu… je t’ai laissé le choix de me tuer moi plutôt que lui… je n’ai jamais rien valu à tes yeux je le sais… tu l’as choisi lui… il était innocent, jamais il n’a fait de mal à personne… tu… tu… non !

- Tu as tout deviné, Darren, pour moi tu n’es rien d’autre qu’un tas d’immondices. Rends-moi ce fusil… tout rentrera dans l’ordre, tu verras cette fois je ne ferais pas la même erreur…

- Non… il allait être papa… pourquoi ?

- Je n’en sais rien ! Je ne me rappelle plus... Rends-moi ce fusil !

Darren allait le faire… Il savait qu’il ne pourrait jamais tirer. Il hésita mais au moment ou il allait tendre le bras, la voix revint, plus forte plus insistante… c’était une voix adulte, froide… « Non… tue-le… il l’a tué lui… il ne mérite que la mort, comme tout ceux qui t’ont fait souffrir… TIRE ! En plein cœur… ne commets pas la même erreur que ton frère… TUE-LE !!! ».

« Je ne peux pas… », pensa-t-il… Alors la voix résonna : « Laisse-moi faire… ».

Le regard de Darren devint sombre, il resserra ses mains sur l’arme.

« Non… »

Mais très vite, il perdit le contrôle de tout. Il se vit pointer l’arme et il s’entendit dire :

- Ca c’est pour tout l’enfer que tu m’as fait vivre… et aussi pour que tu te souviennes que tu n’auras jamais été rien d’autre qu’un raté !

« Non ! »

- Tu ne tireras ja…

BANG ! Le coup de feu retentit dans toute la cave. Lance en eut le souffle coupé. Il baissa les yeux… De sa poitrine jaillissait une quantité impressionnante de sang. La balle l’avait transpercé en plein cœur et il tomba sur le sol, raide mort. Mais quelque chose d’étrange apparut alors… une chose qu’il n’avait jamais vue jusqu’à présent. Juste devant son père, venait d’apparaître une forme… la forme… c’était lui… la balle l’avait traversé à lui aussi en plein cœur. Le jeune garçon avait du sang sur les lèvres… Il chancela et alors que Darren qui n’avait rien vu de tout cela fermait les yeux de son frère après s’être acharné sur le cadavre de son père et prenait la fuite, la forme tomba à genou. Elle avait la main appuyée sur sa plaie et respirait par saccades. C’est là que Matt put comprendre… son frère était mort… en tout cas celui qu’il avait connu, en voulant protéger son père, malgré toute la haine qu’il éprouvait pour lui... Il avait fait LE choix. Et alors que ce dernier posa une dernière fois sa main sur le cœur de son aîné, la brume s’épaissit… Elle avait pris une couleur pourpre… Une dernière larme fut versée et dans cette grande cave, de nombreuses fois emplie de solitude, la lumière baissa, la porte claqua. Aussi subitement qu’elle était apparu, le forme se troublait et se dissipa, laissant derrière elle, les cadavres de son unique famille.
*Fin du flashback*

La disparition de la forme, s’était fait en réalité de la même façon. En un instant, le lien qui unissait leur esprit fut brisé. Comme un comme de fouet, chacun retrouva enfin le contrôle total de son esprit. Matt était debout, comme si un poids venait de s’envoler sur son âme tandis que Darren, lui était allongé au sol. La dernière scène lui avait été fatale. La plaie que Satan lui avait faite s’était rouverte. Il souffrait le martyr de ce qu’il venait de voir. Lui qui pensait sortir d’ici vainqueur… il s’était bien trompé… Au lieu de ça il était étendu… La forme ne l’avait pas manqué… En cette nuit, un simple gosse venait de faire une profonde entaille au Bras Gauche le plus redoutable de Satan… Celui qui se croyait invincible… qui avait tant tué sans éprouver la moindre pitié. Celui-là gisait au sol, l’œil dans le vide. Et dire que Matt aurait pu pénétrer dans son esprit dont les barrières mettaient du temps à se reconstruire. Dire, qu’il aurait pu l’achever…

[Alors euh... désolé pour le double post... ça rentrait pas. PTDR]

Toujours debout. Le fait que Matt soit toujours debout, pas détruit par son souvenir mortel prouvait sa force intérieure, qu’il était capable de grandes choses malgré qu’il pense le contraire. Tout le monde avait donc eu raison, le jeune homme était capable de résister à de beaucoup de souffrances s’il s’en donnait la peine, s’il arrêtait de vouloir toujours sauver tout le monde en même temps sans avoir pris le temps de se soigner vraiment lui-même. Ce soir était la thérapie la plus rapide au monde, en une soirée, le blond avait fait ressortir bon nombre de chapitres de sa vie douloureux et difficile à assumer. Et là, ça allait beaucoup mieux, non pas que tout était rose et tout beau, il ne faut pas rêver non plus, mais c’était déjà plus clair dans sa tête, plus logique et sa force s’était décuplée. Du moins c’est ce que le jeune homme ressentait au fond de lui-même. Il restait tout de même une grosse part d’ombre et elle se trouvait juste devant lui : il ne se pardonnait pas qu’en partant, son petit frère soit devenu ce monstre face à lui qui balançait de gros discours de propagande au Mal, cela ne touchait pas le moins du monde le Bras Droit. Il y avait seulement quand on parlait de sa fille qu’il serra légèrement les poings. Peu importe où qu’elle soit, Matt la protégerait, de loin mais c’était toujours ça de pris. Jamais Darren ne l’aurait, c’était une de ses promesses intérieures, sa mission personnelle qu’il devrait parler à Dieu quand les deux se reverraient et après la rencontre entre les deux frères, soyez sûrs que le Grand Patron allait montrer le bout de son nez. Faiblesse ? Celles de Matt en tout cas n’étaient plus nombreuses, lui n’était plus sa propre faiblesse, c’était déjà un grand pas en avant. Comment vivre quand on pense que soi-même, on est un fardeau ? Toute sa vie angélique, il n’avait cessé de répéter que tout était de sa faute et que jamais il ne réussirait à remonter la pente. Parfois Matt faisait quelques pas vers le bien être mais retombait souvent alors c’était toujours un jeu de deux pas en avant et un en arrière. Sa progression fut très lente et parfois même stagnante malgré les encouragements des autres et surtout sa montée en grade. Et là, ce soir, il se rendit compte de son pouvoir, de tout ce qu’il avait raté en 27 ans d’angélisme. Mais à présent, ce ne serait plus le cas, c’était un peu comme une renaissance et vous voulez savoir ? Ca fait tellement de bien !

L’ombre de son petit frère allait vraiment partir. Bien sûr, le souvenir de sa vie mortelle avec son jeune frère serait à jamais gravé dans son cœur. Il restera toujours en lui, ce qui était normal, mais il y avait du changement la aussi. Le grand blond avait senti la souffrance de son frère, savait à présent de nouvelles choses … L’ombre lui supplia de l’arrêter. Facile à dire mais plus difficile à mettre en place. Ils avaient des pouvoirs équivalents, le même niveau de hiérarchie et donc une force semblable. Un combat sans fin ? Peut être mais ça personne ne pouvait vraiment le prédire, l’avenir est seul garant d’un vainqueur de cette guerre fraternelle. Quand le souvenir qui serait le dernier apparut, Matt sentit en lui une drôle de chose, comme un drôle de pressentiment. Et il mourut même une troisième fois puisqu’il sentit une nouvelle fois la vie le quitter. Mais cette fois, la douleur fut moindre, ce n’était pas sa vision de sa mort mais celle de son frère en larmes d’avoir perdu la seule personne qui avait confiance en lui, qui voulait le sortir de tout ce monde absurde et sans vie, lui donner enfin une chance de bien grandir et de ne pas mal tourner. Ils étaient à un jour de tourner la page du cauchemar … Et là Matt vit de ses propres yeux ce qui s’était passé après et, il en fut tout surpris. Non pas le meurtre de Lance mais cette voix qui parlait à un Darren perdu, cette forme en fond, tout cela était si étrange et pourtant pas vraiment étonnant. Tout le monde sait que les démons et Satan lui-même use de tous les moyens possibles et imaginables pour faire tomber les gens de leur côté. Là, Darren avait été manipulé mentalement, on l’avait poussé à faire ça. Bien sûr, que dans un tel moment, une envie de meurtre était compréhensible, cela traverse l’esprit à tous mais peu de gens le font. Son petit frère ne l’aurait pas fait sans cette voix, il aurait peut être blessé Lance ou l’assommer avec la crosse avant de s’enfuir. Mais pas le tuer, c’était même certain. Le garçon n’avait pas un mauvais fond, il avait été un peu perverti par la société qui l’entourait et donc le meurtre ne faisait pas parti de sa vie. Jusqu’à ce que le coup de feu retentisse … Lance et Darren étaient morts à cet instant, l’un physiquement et l’autre c’était son innocence qui s’était envolée. La fin d’une vie pour le début de la déchéance. Le commencement de la fin … Là on assistait à la naissance du monstre de Bras Gauche de Satan. Il n’empêche qu’il lui ferma les yeux et versa une dernière larme avant de partir. C’était la fin de beaucoup de choses en un même soir : la montée au Paradis pour un jeune homme trop tôt parti, un salaud de moins sur Terre (ce qui n’était pas une grosse perte) et la fin d’un innocent et sa descente progressive aux Enfer. La fin de la famille Roller …

Et d’un coup, revenu à la réalité, quelque chose en lui avait disparu. Bon, il avait repris le contrôle de son esprit mais un poids encore était parti et portant une main à son cœur, Matt se sentait mieux et cela lui faisait étrange. Jamais en 27 ans il n’avait été aussi serein de sa vie tandis que le Démon gisait sur le sol, presque mort. Le gros contraste était flagrant une nouvelle fois. Un au sol, faible à mourir et l’autre debout et fort comme jamais la vie ne lui avait apporté. Sa gorge se serra un instant et ses yeux brillèrent comme s’il allait pleurer. La pression s’était relâchée sur lui, il n’en avait pas l’habitude. Puis Matt se mit à rire mais c’était nerveux, ce n’était pas de la moquerie ni rien mais le jeune homme venait de réaliser quelque chose et après avoir mis quelques longues secondes à se calmer, il put enfin parler.

Bien sûr … Ils avaient tous raison alors ! Ce n’est pas du tout ma faute, je n’ai rien fait pour que tu tournes ainsi ! Ma culpabilité m’a toujours poussée à me dire que … Enfin bref … Et là je me rends compte que je n’y suis pour rien. Juste que ma disparition a laissé une brèche aux démons de t’avoir … Tu t’es fait avoir Darren, tu n’as rien choisi du tout, on t’a imposé un meurtre et après tu as continué ! Mais à la base, tu as été forcé, ne me dis pas non, on a bien vu la même chose, tu te souviens encore de cette voix qui te disait de tuer Lance alors que tu ne voulais pas et en ayant pas assez de force pour résister, tu as donné ton âme à Satan ! Le prix de ta liberté t’a coûté ta vie !! C’est cher payé alors que tu aurais pu simplement le blesser et t’enfuir avec l’argent que j’avais économisé. Non, tu as tué d’abord et tu es parti ensuite, tu as couru vers ton destin de démon. La faute à qui ? Ni à toi ni à moi …

Il poussa un long soupir en regardant dehors où tout était de nouveau éclairé. Après une courte avance du Mal, le Bien aurait il triomphé ce soir ? En tout cas, Matt avait gagné sur lui-même, la plus belle victoire qu’on puisse recevoir au cours d’une vie, quelle soit mortelle ou non d’ailleurs. Ne croyez pas qu’il soit heureux de voir le Démon au sol, mais le bonheur des uns faisait le malheur des autres, ce dicton était bien connu. Et après l’avoir regardé durant de longues secondes, Darren avait beaucoup de mal à guérir de cette blessure apparemment. Comme quoi, personne n’était invincible en cette Terre, on avait tous quelque chose en nous qui faisait qu’on était humain, du moins qu’on l’a été car on garde toujours des restes, qu’importe ce que l’on dit ou ce que l’on fait croire, ce n’est qu’une illusion. On ment pour se croire sans faille et comme les autres semblent y croire, on finit par être persuadé que ce mensonge est vrai et voila comment on sombre à cause de sa peur de voir la vérité en face. On finissait allongé sur le sol, à gémir de douleur, se tortiller légèrement car la douleur était affreusement cuisante, bien plus que celles qu’on a pu croisé dans sa vie. La réalité faisait mal.

Matt s’était donc approché du Démon et s’accroupit pour pouvoir lui parler. Il n’y avait pas d’orgueil vainqueur ni une fierté de supériorité chez le Bras Droit, juste un souci de vérité et de réalité.

Finalement Darren, tu as découvert que tu avais toi aussi au fond de toi un point faible : ta propre personne. Ton orgueil te perdra, il te fera monter tout en haut mais il suffit d’une chose, d’une personne pour que tu chutes. Et quand on tombe de haut, la chute est lente pour bien souffrir d’avantage. Tu n’es pas le plus fort, il y a déjà deux forces suprêmes qui te seront toujours inaccessibles. Ton rêve de destruction ne se réalisera jamais car tu seras forcément limiter par ton propre Patron qui te trouvera trop gourmand, Dieu sera là pour tout faire échouer car n’oublie pas que s’il ne contrôle pas les hommes, il contrôle sa terre. Et si tu continues à faire ta tête brûlée, il y aura quelqu’un d’autre pour t’empêcher de nuire : moi.

Son aura n’avait jamais été aussi bien et cela ne faisait qu’accroître la souffrance de Darren. Matt posa même sa main sur son épaule. Quelle réaction a un démon quand il reçoit une charge de bien être ? Cela faisait un peu comme une décharge électrique en fait. Et en cette faiblesse, le jeune homme pouvait même lire dans les pensées de son frère qui était grande ouverte. Ce n’était pas lui qui s’infiltrait dans son esprit mais plutôt l’esprit qui l’invitait.

Tu as raison, je pourrais te détruire facilement, tu es en position de faiblesse le plus totale, je n’ai jamais aussi bien de toute mon existence. Je pourrais continuer à explorer ton esprit, ouvrir d’autres souffrances, te montrer à quel point tu t’es fourvoyé dans un chemin qui n’était pas le tien, on t’y as poussé. Mais je ne le ferais pas … Pourquoi ? Car je n’ai pas le droit de décision de qui mérite de vivre bien ou mal … Et te détruire ne m’amènera aucune satisfaction personnelle mais plutôt un dégoût de m’abaisser à ce que toi tu ferais. Et vu la bassesse du niveau, j’aurais l’impression de devenir une des vermines de ton camp. Alors non, de toutes façons je sais à présent que tu n’es pas aussi fort que tu le montres et surtout que je pourrais me mesurer face à toi sans encombre. Peu importe l’issue la prochaine fois mais ce soir, tu n’es pas le grand vainqueur.

Il retira sa main et se releva avant de reculer de quelques pas.

Tu peux t’en prendre à tous les faibles de la Terre, tes petites victoires ne seront jamais à la hauteur pour réparer la défaite que tu as subi face à quelqu’un de ta force.

En toute réponse, Darren lui cracha dessus. Il avait mal, très mal… Il avait perdu, il le savait mais on ne changeait pas un caractère de vainqueur… même s’il ne l’était plus ce soir. Il se releva lentement, il était encore faible tout ça avait du mal à cicatriser. Jamais, il n’aurait pensé être celui qui souffrirait au sol… Et même s’il n’avait pas tout compris, il était sûr d’une chose, que son frère se trompait, tout autant que lui. Jamais l’un ne pourrait détruire l’autre, plus maintenant. Car si pour Matt la guérison avait été rapide, il ne devait pas oublier qu’elle le serait aussi pour Darren, bien que plus lente. Même, s’il avait essuyé le plus beau revers que le Destin lui ait balancé, il finirait par atteindre le même niveau que Matt. En réalité, Matt faisait fausse route et Darren reprit d’une voix glaciale :

- C’est toi qui n’a rien compris ! Aucun démon n’est intervenu ! Depuis que je suis né, j’ai vécu dans un climat de haine et de violence… Il y a des choses que je n’ai jamais oublié, parce qu’elles étaient ignobles ! Mais… lui… il pensait que tu le protègerais toujours… la seule façon que j’avais de m’exprimer c’était à l’école… Toute cette colère, ce dégoût des autres je le laissais s’échapper. Et ce soir là, la voix n’était pas celle de Satan, ni d’un des ses autres sbires minables ! C’était MOI ! Plusieurs j’ai tenté de convaincre le gamin que la seule issue était de le tuer… Cette nuit-là tout a basculé en ma faveur… J’ai tué Lance et je me suis échappé. Ma véritable vie a commencé à l’instant même ou j’ai répandu son sang sur sol. Quant à l’autre… il a de nombreuses fois essayé vainement de reprendre le dessus… mais je l’en ai empêché. J’étais trop puissant pour laisser ce mioche briser ce que j’avais construit. Ce n’est que lorsque Satan m’a nommé Bras Gauche, que j’ai compris que cette partie de moi devenait un handicap. Alors, tu l’as vu, j’ai sauté dans le vide… IL est définitivement mort. La seule raison pour laquelle il est apparu ce soir c’est parce que toi, tu as été incapable de l’oublier.

Tout ce qu’il disait était logique et terrifiant… car cela signifiait que Darren avait été schizophrène dans le passé… et même tard dans l’avenir. Et la façon dont il exposait cela marquait bien les chocs psychologiques d’un passé qu’il n’était pas prêt d’oublier. C’était ce dédoublement de la personnalité qui l’avait conduit à ce qu’il était devenu… Peut-être que si Lance était mort à la place de sa mère, tout aurait été différent… Les choses étaient ainsi. Dans le ton qu’il employait, on ne voyait aucun signe humain… Le Démon était de retour dans toute sa cruauté. Et Darren fixait son frère de ses yeux bleus, à la lueur pâle. A mesure qu’il parlait, il se sentait mieux… moins fatigué et plus apte à se tenir debout. Mais il semblait avoir perdu toute la folie du départ comme s’il avait pris conscience d’une chose. Il était vrai que son entreprise était vouée à l’échec… On ne peut pas détruire Dieu ou Satan. Finalement, avait-il perdu tant que ça ?

- Tu as raison au final, je ne pourrais pas les atteindre. Je me demande si cette défaite n’était pas nécessaire… Tu viens de me faire comprendre une chose… Le seul capable d’assouvir mes rêves de destruction et ma vengeance est Satan… J’ai passé ma vie Immortelle à vouloir le détruire, pensant qu’il était la cause de malheurs infinis… En fait, je me rends compte qu’Houston s’en charge plutôt bien… Pourquoi n’a-t-il aidé qu’un seul d’entre nous ? Alors qu’il aurait pu nous sauver tous les deux… Tu sais ce que je crois ? Que tout était déjà clairement décidé… Houston est le Créateur mais il a été trop minable pour refuser la volonté de Satan. Et ainsi sont allées les choses… il a pris une vie pour la sauver et l’autre pour la laisser au Maître des Enfers. Finalement, j’ai été le plus chanceux des deux… si j’ai atteint mon rang, ce n’est pas parce que j’étais un bon toutou à quatre pattes mais bel et bien parce que mon audace et mon orgueil m’ont fait accomplir des choses énormes… Matt, tu te trompe lourdement… je ne suis pas tombé, au contraire, je me relève et je sais à qui je dois allégeance…

Du sang s’écoulait au niveau de son cœur mais il n’avait jamais été très sensible à la douleur physique… en revanche, son mal de tête avait mis un grand moment avant de diminuer. De toute façon, son état était moins glorieux que celui de Matt. Le Bras Droit se tenait devant lui. Darren songea alors à ce petit garçon qu’il avait côtoyé… cette forme qui était apparue ce soir pour les lier… lui qui était si admiratif de Matthew. Ce petit garçon dont le rêve inavoué était de devenir pompier pour sauver des vies. Il n’en avait pourtant pas la carrure, il le savait… trop maigrichon, pas assez résistant… son corps n’avait jamais joué en sa faveur. Mais pourtant, malgré tout ça, il rêvait parfois toute la nuit de porter l’uniforme… La dernière nuit où il l’avait fait, il sauvait Erin et son bébé des flammes alors que Matt travaillait. Il n’avait jamais vu Erin, sa belle-sœur mais il l’avait imaginé… Elle avait des cheveux blonds bouclés, des yeux d’un vert gracieux… du vert… dans lequel résonnait une lueur d’espoir. Il avait pensé qu’elle aurait pu être sa mère en quelque sorte… lui apporter l’amour qu’il n’avait jamais eu que par son frère. Et tout autant qu’il aimait ce dernier, son attention n’était pas suffisante… il y avait toujours un vide. Darren trouvait ça pitoyable… comment avait-il pu penser, ce gringalet, qu’un jour il connaîtrait le bonheur ? En tout cas, une chose était plutôt bénéfique pour le Bras Gauche… En pensant à l’amour qu’éprouvait son autre partie pour Matthew, il ne ressentit aucune douleur. La plaie guérissait…

- Tu oublies que ce ne sera qu’une question de temps pour que je retrouve ma puissance… Je n’ai peut-être pas été victorieux aujourd’hui, je le serais bien plus tard. Tout vient à point à qui sait attendre. Ma faiblesse ne durera pas, et si on se revoit je doute que tu arbores ce contentement. Tu penses peut-être qu’en me débitant un tas de sornettes sur le fait que j’ai été manipulé, je vais me poser des questions ? Bien au contraire, toutes les interrogations que j’avais avant de venir, elles se sont évaporées… J’aimerais que tu m’expliques comment ça a été de vivre dans la culpabilité… J’ai n’ai jamais éprouvé un seul remords sur ce qu’il s’était passé… mais toi… tu t’es senti coupable… pourquoi ? Parce que tu penses avoir échoué en élevant ce gosse ? Tu aurais peut-être du t’apercevoir qu’il gardait secrète une partie de lui… qu’il avait peur de te la montrer… parce que tu l’aurais pris pour un fou. Combien de fois lui ai-je soufflé à l’oreille avant qu’il ne s’endorme : « Tu peux le tuer… avec un couteau… tout irait si bien après… ». Il y a certaines fois où je parvenais à contrôler ses mouvements… tu m’as vu prenant l’argent dans ta poche… mais il a fallu que ce débile te le rende. Bien fait pour lui, il s’est fait attrapé sur le fait. Je ne voulais pas partir avec toi et ta greluche… mais sa joie était telle qu’il ne m’a pas écouté. Alors… je l’ai fait parler… il était en colère, rien n’a été plus simple… J’ai trahi votre secret. Pourquoi ? Parce que je savais que Lance allait le faire souffrir, il ne supporterait pas qu’on l’abandonne. Tu connais la suite… Et maintenant, comme j’ai détruit nos vies et celle de tant d’autres… je vais me charger du peu qu’il puisse te rester… Ta fille… Bien, la Marque viendra lui brûler la chair… C’est l’appel du sang versé, de Satan lui-même. Tout ce qu’Houston a pu créer, la moindre trace de vie, mon vœu le plus cher est de la détruire… Mais cette fois, je sais que Satan n’est pas mon ennemi comme je l’avais imaginé… L’avenir t’en dira plus, bien plus…

Il évita le crachat en reculant d’un pas mais Matt l’écoutait à peine. A quoi bon disserter sur qui avait fait quoi et comment les deux en étaient arrivés là. On ne pouvait défaire ce qui avait été fait, leurs destins sont bien trop ancrés dans leurs peaux, leurs cœurs, leurs sangs pour que quoique ce soit change. Ils étaient devenus tellement opposés, tellement différents que même une simple discussion ne servirait à rien, leurs idéaux n’étant pas les mêmes. L’époque des deux frères complices était révolue depuis tellement de temps, lui-même avait arrêté d’y croire il y a des années. Et s’il se baladait avec le souvenir d’un petit frère avec une notion du bien même s’il n’était pas totalement parfait, c’est parce que c’était comme ça qu’il était avant que Matt meure. Darren n’était pas un enfant parfait mais il avait cette part de bon en lui que son grand frère tentait d’exploiter pour que ça devienne sa vraie personnalité. L’homme qui était toujours à terre entrain de se vider de son sang n’était rien, il avait certes le même nom, le même visage bien que plus vieux, les mêmes souvenirs et cicatrices mais ce n’était pas son frère, ce n’était pas son Darren. Et ce n’était pas qu’il était incapable d’oublier mais cela faisait partie de sa vie et si les Démons reniaient toute forme de vie avant leur mort, les Anges gardaient le tout. Pour beaucoup, c’était une sorte de puit pour y prendre tout le bon qu’ils avaient vécu, l’aide qu’ils avaient reçu ou au contraire le malheur qu’ils avaient vécu et qu’il ne fallait surtout pas faire subir à d’autres, leur faire connaître le bonheur avant qu’il soit trop tard. Si seulement Matt avait su piocher dans les bons pots ou alors en faire quelque chose de positif, peut être qu’il aurait été plus fort avant, que tout ça ne serait pas passé ainsi dans sa vie immortelle, il se serait moins accroché à certaines personnes, ne les aurait pas laissé partir car aurait réfléchi différemment, agi aussi autrement. Mais on ne contrôle pas toujours tout sur le moment, on fait des choses irréfléchies, on se sent mal et on s’enferme, seules quelques personnes lui permettaient de se sentir mieux mais il s’y accrochaient comme à une branche pour ne pas tomber et finalement la branche venait toujours à se casser. Mais ce soir, le Bras Droit avait compris quelque chose et en lui, tout avait changé. Lui-même se sentait plus fort, plus apte à continuer un bout de sa vie angélique avec une bonne rage et la tête haute pour empêcher que le Démon qui n’avait d’homme que l’apparence ne nuise plus, ou du moins qu’il soit face à un obstacle infranchissable. C’était son but et il s’y tiendrait, Matthew n’était pas plus stupide qu’un autre, il pourrait réussir, au fond de lui il le sentait.

Vous voulez savoir à quel point Darren et Matt étaient différents ? C’était simple, leurs caractères opposés avaient permis de monter les mêmes échelons. L’aîné était bon, généreux et chaleureux, il faisait ce qui lui semblait juste et savait que Houston l’était alors il l’écoutait bien que donnant son avis sur ce qui ne lui allait pas. Pour être un bon ange il fallait être bon mais aussi intelligent, pas qu’un simple chien. Darren au contraire, était un rebelle et s’était constamment opposé à Satan comme pour le défier. Cette arrogance et cette audace lui avaient valu de monter. S’ils se seraient retrouvés dans la peau de l’autre, ça aurait été différent. Un ange rebelle faisait un peu tâche, surtout quand il contrecarre tous les ordres du Patron. Et un démon trop sage était juste bon à servir de coursier pour Satan sans jamais gravir. Il fallait se mettre selon le contexte. Le discours de Darren était donc totalement idiot et son frère n’hésita pas à le lui dire.

Parce que tu crois qu’un tel comportement, comme le tien je parle, serait admis si tu aurais été parmi les miens ? Dans tes rêves, Darren. Et sache pour ta gouverne que je ne suis pas un toutou comme tu dis. Je pense par moi-même, j’ai refusé des décisions et je m’oppose quand je trouve cela injuste. Mais après ce n’est pas moi qui décide, tu le sais autant que moi qu’on n’est pas totalement maître de nos actes, on n’est pas comme les autres, comme les humains qui ont des choix à faire. Nous deux on a nos routes et maintenant elle est bien trop tracée pour qu’on se retourne. Si tu as de la haine envers Dieu, je n’y peux rien. S’il m’a sauvé moi, c’est parce qu’il avait ses raisons comme il en avait pour te laisser. Tu dois savoir qu’entre eux ils se passent des accords parce qu’ils n’ont pas toujours le choix. Ou alors tu étais trop aveugle à haïr le monde entier pour cela … Mais ça ne sert à rien de discuter avec toi, tu veux toujours avoir raison, tu te crois supérieur à tout le monde mais tu ne l’es pas, tu es loin, si loin de la réalité. Tu te surestimes autant que je me sous-estimais mais ça te regarde, je ne contrôle pas ta vie et encore moins ce que tu en fais.

Pour Matt, l’homme à terre n’était pas son frère, il n’était qu’un démon. Son petit frère était dans son cœur comme l’était les gens qu’il aimait. Il n’oubliait rien, tout restait gravé en lui et chérissait des personnes que tout le monde ou presque avait oublié. Le Bras Droit gardait le petite Darren, Erin, sa fille qu’il n’avait jamais connu et les personnes qu’il avait rencontré sur sa route, ce n’était plus handicap, juste des souvenirs dans une boîte à ouvrir de temps en temps comme pour ne jamais oublier, ne pas devenir un autre, toujours garder sa route et non pas dévier ou s’arrêter, s’égarer dans les routes sinueuses de la peur, du doute et de l’ennui. Tout allait changer à partir de ce soir, il en était certain et pourrait il peut être parler un jour de ce qui lui était arrivé sans s’arrêter en pleine phrase, sans se dire qu’il allait avoir mal, revivre les plaies. Non, c’était juste son passé enfin accepté. Il serait temps au bout de 27 ans à traîner le tout, cela était comme libérateur. Et pourquoi ne pas commencer à en parler maintenant. Darren lui demandait cela faisait quoi d’avoir vécu avec tout ce poids sur ses épaules.

Tu veux vraiment savoir ? De toutes façons quoique je te dise, tu ne comprendras pas puisque tu ne sais pas ce que aimer veut dire. Si tu ne sais pas cette base, tu ne sais rien de ce que j’ai enduré. Toi, le démon, tu ne voulais pas peut être pas partir mais lui, celui qui était vraiment mon petit frère rêvait d’une vie autre. Moi aussi, j’avais la responsabilité de trois personnes qui ont connu de drôles de destin. Je l’ai su plus tard, quand on me parlait de toi qui avais mal tourné, d’Erin qui avait connu le même destin que moi et de ma fille se retrouvant orpheline. Je me disais sans cesse que si on avait fui plus tôt, cela aurait été si différent, je m’en voulais vraiment mais j’avais tellement voulu vous offrir une vraie vie que vous avoir donné l’exact contraire me dégoûtait jusqu’à ne plus en dormir la nuit. Voila ce que je vivais, du dégoût et des regrets. Mais tu vois, là il n’y a plus rien, toi tu n’es rien non plus.

Il avait dit tout cela dans une voix tranquille, sans hausser le ton ni trembler, sans s’arrêter ni retenir ses larmes. Matt n’avait aucune envie de pleurer, de s’enfuir, d’arrêter. C’était passé, son lourd poids l’avait quitté et il ne s’était pas senti aussi bien depuis si longtemps que cela lui faisait presque bizarre mais ce n’était pas lui qui allait s’en plaindre. Finalement, sa venue à Los Angeles lui avait fait du bien, arrêter de fuir, affronter la réalité en face n’était pas si terrible, un peu douloureux sur le coup mais ça en valait la peine vu comment il était après. Mais maintenant, après son combat avec lui-même, ce serait contre Darren, c’était même certain. Celui-ci voulait s’en prendre à sa fille, Rose. Jamais il ne le laisserait faire, c’était impossible. Malheureusement les lois veulent que le Bras Droit n’approche jamais l’enfant qu’il n’a jamais connu. C’était dur, tentant mais il écoutait, savait que c’était une faute impardonnable et que son statut d’ange était tellement important. Sûrement qu’Erin avait parlé à Rose de qui était son père comment il était. Vu qu’il n’avait pas du tout changé en 27 ans d’existence angélique, ce serait difficile de se faire passer pour quelqu’un d’autre. Après, les gens disent qu’on a tous un sosie sur la planète mais c’était surtout leurs réactions qu’il fallait redouter. Matt serait pétrifié de voir sa fille face à lui, aurait envie de la serrer dans ses bras pour enfin la sentir contre lui, voir à quel point elle était devenue belle et courageuse malgré sa vie difficile. Mais peut être qu’Erin lui avait montré des photos alors n’imaginons pas le choc que ce serait de voir l’exact réplique de son père décédé avant sa naissance. Ah, cruel dilemme dont il parlerait sûrement avec Houston de tout ça. Mais avant en parler maintenant, sa mâchoire s’était un peu crispée. Personne ne toucherait à sa fille.

Tu ne l’auras jamais. Je ne peux peut être pas l’approcher mais je jure que tu ne l’auras pas. Fais la marquer, vas y, tu sais comme moi qu’une marque n’est pas une fatalité, il y en a qui sont des anges, même des archanges. Et ce n’est ça qui la fera tomber. Que Dieu m’entende et il le sait, si tu fais le moindre mal à ma fille, sache que je suis prêt à braver toutes les lois pour la protéger. Je pense qu’elle a assez souffert comme ça dans sa vie pour qu’elle endure d’autres difficultés de ce genre. Si tu t’attaques à elle, sache que notre prochaine rencontre pourrait être plus rapide que tu ne le penses.

Sans l’avoir connu, durant toutes ses années, il se l’imaginait grandir, Matt suppliait Houston de la voir rien qu’une fois, de loin mais non, Le Patron se contentait de parfois lui donner des nouvelles, lui préciser qu’elle avait ses yeux et ce côté bon, qu’il avait fait un bel enfant. Quand on lui avait annoncé la mort d’Erin, sa gorge s’était serrée, il imaginait après Rose seule, sans famille à présent … Et maintenant, elle était adulte, avait surmonté tout cela et devait sûrement se construire. Pourquoi tout détruire ? Darren était l’archétype du démon, il était sans cœur … Matt s’en éloigna en faisant quelques pas en arrière et regardant ailleurs, au dehors.

Je crois que tout est dit. Ce soir, tu as vu les limites de ta force, j’ai vu l’étendue de la mienne. La prochaine fois, je pense que l’on sera peut être plus apte à quelque chose …

» Matt Roller
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