Manuscrite et Angélique [PV.Casey]

Bip...Bip...Bip...Bip
Le réveil bleu nuit installé sur la table de chevet sonnait les 7h00 du matin. On aurait dit un ordinateur sur le point d'exploser, la minuterie stridente d'une bombe à retardement. La vieille lampe à l'ancienne, qui était restée allumée durant toute la nuit, éclairait quelque peu le tas de couvertures qui recouvrait le corps endormit de la jeune femme. Seul un de ses bras, aussi blanc que du marbre, ainsi que son mollet droit dépassait des draps soyeux. Mais le réveil ne s'arrêtait pas...
Bip...Bip...Bip...VLAM!
D'un mouvement brusque, le bras il y avait une seconde encore inanimé, s'était rabattu d'un coup net et précis sur la machine qui tomba à terre et le bruit agassant s'arrêta. Enfin. On entendait à nouveau le silence dans la pièce et le jeune corps recommença encore sa flânerie habituelle des matins difficiles. Par la fenêtre laissée ouverte pour la nuit, on entendait déjà les bruits de pétarade que les vieux moteurs des mobilettes style années soixante émettaient lorsque les petits bolides se déplaçaient dans les rues étroites du quartier. Jamais un parfait étranger, venu de l'autre bout du monde pour découvrir la "Cité des Anges" n'aurait eût l'idée de venir s'aventurer dans les ruelles aux bâtisses de terre cuite, repeintes de couleurs chaudes ou pastelles, qui rappelaient tant aux habitants pour la plupart immigrés les coins de paradis terrestre de leur pays natal.

Little Italy. C'était comme si Visconti lui-même en avait crée chaque scébario qui se vivait dans chcun des petits appartements. Un arrière goût de "Dolce vita" mêler au "Guattopardo" -c'était précisément ce que la jeune hirlandaise de 21 ans était venue chercher: l'originalité, toute en douceur, voir même avec une certaine lenteur! D'où sa traînallerie habituelle des matins de soleil, outragés par le tintement on ne pouvait plus insupportable d'une boîte de plastique rouge vif à l'écran codé.
Résignée, Breath se leva et enfila sa robe d'intérieure laissée sur une chaise près de la fenêtre. Il faisait une chaleur étouffante et la jeune femme, bien qu'étant pudique, dormait nue tellement les tissus étaient inconfotables...Elle passa dans la salle de bain et fit couler l'eau de la douche, tout en se regardant dans sa glace: avec ses longs cheveux bruns, sa taille de guêpe et ses yeux noisette où brillaient constemment une lueur animée, Breath était une femme on ne pouvait plus désirable. Malheureusement, elle avait rejeté bon nombres de propositions. Elle n'aimait pas les aventures d'un soir et préférait rester seule, histoire de faire le vide chez elle. Surtout en ce moment...

Oui; la jeune femme, bien qu'heureuse, avait encore du mal à surmonter les séparations, surtout celles avec sa vie...passée. Cet aspect...décès lui semblait toujours comme irréel. Tous ces gens qu'elle rencontrait, les personnes à qui elle parlait ne se doutaient donc de rien? Il fallait bien le croire et pourtant! Sous la douche, elle aimait fermer les yeux et laisser l'eau glacée -elle n'aimait pas l'eau chaude!- se répendre sur tout son corps. Une fois enveloppée dans un paignoir de bain, elle se brossa les dents et passa à nouveau dans sa chambre.

* Bon alors, qu'est-ce que j'ai aujourd'hui...?*
Elle fouilla la pièce de son regard pour trouver sur son secrétaire le petit callepin noir qui lui servait d'agenda. Enveloppée, elle marcha pieds nus sur les tapis et pris l'objet tout en se dirigeant vers la cuisine. Distrète et machinale, elle l'ouvrit et tatonna de sa main droite le haut d'un tirroir pour en sortir une tasse. Rien. Pas de rendez-vous ni de choses importantes à faire. Chouette! Elle pourait se consacrer à son manuscrit!
*C'est bizarre, pourquoi je...*

"NON, c'est un cauchemard!"

Elle venait de porter son attention à la date: samedi. On était samedi et elle s'était levée à sept heures du matin. Le monde était cruel et Lui, il regardait tout d'un air satisfait, se jouant des vies comme des cottes à la bourse!
Comme rien ne devait la déranger en cette belle journée ensoleillée, la jeune femme, vêtue simplement d'un robe de lin blanc et de sandalles assorties à ses boucles brunes, sa sacoche habituelle sous l'épaule avait complètement changé de quartier. Du Little Italy calme et fénéant, elle était partie dans le Venice bruillant et entraînant. Un petit bar sympathique s'offrait à elle et c'est avec bonheur qu'elle prit place sur une petite chaise d'osier. Sortant son livre et son habituel stylo de son sac, elle commença à écrire, à griffoner, barbouiller de quelques dessins ce qui devait être son prochain roman...

"Qu'est-ce que je vous sers?"

Pour tout avouer, Breath n'avait pas vraiment fait attention à l'endroit où elle s'était assise, ni même de l'endroit où elle se trouvait tout court. Bizarre pour une jeune femme qui, d'ordinaire, se plaisait à détailler minutieusement chaque nouvelle étoile de Los Angeles, la "Cité des Anges". Elle aimait retranscrire dans ce qu'elle écrivait des anecdotes, des petits coins découerts par hassard et y faire jouer des personnages sortis tout droit de ce monde merveilleux que l'on a coutume d'appeller "Imagination", de sorte que lorsque l'on lisait ses écrits, on pouvait être sûr d'y retrouver quelque chose de familier, de connu et d'apprécié.

Mais aujourd'hui, la jeune fille s'était levée avec une sensation pâteuse dans la région de l'estomac. Sa bonne humeur et son esprit vif l'avaient pour ainsi dire abandonnée pour une raison qui lui était tout à fait inconnue. Jamais, jamais elle n'avait eût autant le caffard et cela ne pouvait nullement se reférer au simple fait de s'être levée un samedi matin avant le "O sole mio" du voisin du quatrième, Maestro Salieri. Un curieux personnage d'ailleurs, ce voisin immigré de Sicille pour y parfaire le rêve américain de devenir la star montante de la nouvelle operette...La jeune femme, en sortant du cinq pièces qu'elle avait acheté et pour lequel elle cherchait désespérément quelques roommates, n'avait point emporté avec elle sa frache jeunesse et sa philosophie positive. Elle, qui se devait d'influer courage et bonne humeur, avait aujourd'hui le morale dans les chaussettes.

"Bienvenue au Jamaïca, voici la carte des cocktails si vous ne savez pas quoi prendre. Perso, j'vous conseille un Bora Bora ... enfin je vous laisse choisir !"

Imaginez alors quelle belle récompense le jeune serveur venait de lui faire, en s'approchant d'elle d'un air enjoué, prêt à satisfaire le moindre de ses désirs et, qui plus était, lui offrait un charmant et sincère sourir. De toute sa vie, Breath n'avait jamais rencontré un homme qui portait à ce point de générosité dans son travail et qui de surcroit, la partageait avec ses clients. Il tenait la fameuse carte dans ses mains et la déposait devant son nez. Elle releva la tête tout en balayant d'un geste gracieux ses affaires et lui rendit son sourir avec plaisir.

"Merci beaucoup! Alors voyons cela..." Il était dur de faire son choix. Les bonnes choses pulullaient à droite et à gauche et l'esprit gourmand d'enfance retrouvé resurgit dans le coeur et le ventre de la jeune femme. Curieusement, la sensation de malaise s'était dissipée et c'est avec plaisir que Breath se plogeait dans la lecture des boissons qui avaient l'air plus délicieuses les unes que les autres. Bien sûr, il y avait le Bora Bora, un merveilleux mélange de fruits éxotiques mais aussi le Sky Wasser qui avait l'air des plus rafraîchissant. Alors, levant les yeux de la liste enchanteresque et constatant que le serveur était toujours auprès d'elle, souriant de toutes ses dents blanches, elle lui dit en plissant les yeux et en prenant un faut air de conspiratrice:

"Je vais vous dire un secret: c'est très difficile de faire son choix dans toutes ces bonnes choses!" Puis, elle pencha sa tête bouclée vers la droite et constata que l'un des hommes au comptoir faisait des gestes d'appel à l'attention du jeune homme. Il s'excitait tellement sur sa chaise que la jeune femme cru un instant qu'il allait tomber à la renverse en craquant la chaise en deux! Il fallait avouer que son embonpoint n'était pas des moindres non plus! Elle esquissa un sourir et retourna son attention vers la carte. "Je crois qu'il va me falloir un petit moment encore!" Elle lui décocha un sourir en plissant les yeux de satisafaction et, tout en pressant la carte contre sa poitrine comme si elle ne voulait plus la quitter lui dit "Allez-y, je vous ferais signe. Ce charmant monsieur au comptoir fait des moulinets depuis cinq minutes pour attirer votre attention...quand à moi, je vais poursuivre mon histoire d'amour avec vos merveilleuses propositions!"

Cela dit, elle le regarda s'éloigner tout en souriant. En un clin d'oeuil, elle venait de rtrouver tout son appétit de vivre et son humour décallé alors qu'elle s'était assise à cette même table le coeur gros. Il lui semblait que rien de ce qu'elle avait ruminé devant sa glasse le matin même alors qu'elle se préparait pour sortir n'avait éffleuré son esprit et pourtant...! Elle avait pensé à tant de choses de sa vie passée; elle s'en était même prise au Tout-Puissant alors qu'elle venait de se lever du pieds gauche. A présent, tout avait été balayé et Breath remercia en douceur le jeune homme qui l'avait aidée à se retrouver.

Le choix fût long. A vrai dire, Breath avait tellement peur de manquer une seule des sensations guturales proposées dans le menu que l'idée de commander un échantillon de cette centaine qui s'offrait à elle vint traversait déjà sa gourmande pensée. Mais à bien y réfléchir...
*C'est tout de même étrange qu'à peine arrivé, je n'ai plus du tout pensé à mes petits tracas...ça n'en valait pas la peine de s'en faire une bile pareille mais tout de même...* pensa-t-elle tout en dirigeant son regard vers la petite troupe d'habitués du Jamaïca qui entourait le serveur de tout à l'heure. Celui-ci était occupé à finir d'essuyer des verres de différentes tailles tout en écoutant parler le brave homme de tout à l'heure et son ventre qui sortait grossièrement du pantalon. Elle remarqua que tous avaient le visage peind de cette même bonne humeur dont elle avait été prise un moment encore...et qui ne la quittait pas depuis! Oui, depuis qu'elle avait arrêté de se tracasser, de ruminer son caffard.

Puis, cela lui tomba devant les yeux comme la pluie derversait ses gouttes sur la presqu'Île Olympic, là où elle avait passé ses dernières vacances, dans l'Etat de Washington. Par sa seule présence, il était donc capable de faire oublier les soucis et ça, Bryanna ne connaissait qu'une sorte de personne capable de réaliser ce genre de changement de comportement mental et totalement invisible. Elle fixait le jeune homme de ses noisettes dorées et un sourir angélique illumina son visage de nacre: il fallait en avoir le coeur net! Aussi, elle rangea soigneusement stylo et carnet dans son sac et, prenant la carte de la table entre ses doigts éffilés, elle se dirigea vers le comptoir. Un instant, elle s'arrêta à quelques centimètres de la joyeuse troupe et écouta quelque peu leur conversation. Elle découvrit que l'homme de tout à l'heur de prénommait Bobby ou qu'on avait du moins coutume de le nommer ainsi. Il parlait inlassablement, ingurgitant verre de bière sur verre de bière bien mousseuse et de couleur dorée qui scintillait dans les quelques rayons de soleil qui se glissaient malicieusement dans les trous du parapet de paille et de feuilles de palmiers.

"...et hop, la tête dans le sable. Mais si j'avais pas fait la double vrille en plein virage, Dieu seul sait ce qui se serait passé avec ce squale!
-Il était grand comment? questionna son compagnon de droite qui sirrotait, malgrès la chaleur étouffante, un café crème. Il faisait tourner la cuillère entre la chantilly et les quelques grains de sucre tout en parlant d'un air amusé. Aparement, il n'était pas duppe de l'histoire de Bobby.
-J'en sais rien moi! Tu crois que j'avai qu'ça à foutre de mesurer sa taille alors qu'il allait me bouffer la jambe. J'ai toujours c'te foutue planche dans laquelle il a mordu, hein! J'te montrerai!
-Ouais, ouais...tiens, mais qui voilà donc?"

L'homme au café crème venait de remarqué Breath qui s'avançait maintenant vers le siège libre juste en face du serveur qui tournait à présent lui aussi son regard vers elle. La reconnaissant, il lui fît de nouveau don de son agréable sourir.

"Une nouvelle"fit la jeune femme à l'attention de son interlocuteur. "Une nouvelle qui est très intéressée par votre histoire, Bobby et qui aimerait bien savoir la suite!" Elle prit place et une main en appui pour y glisser gracieusement son menton et, en regardant le serveur tout en souriant: "Pour moi, ce sera un Angel Special...merci!"